Pourquoi planter des arbres qui nous font suffoquer ?

Les allergies au pollen sont de plus en plus communes. Alors comment mesurer (et contrôler) le pollen ? Dans cette newsletter, on parle aussi des actus scientifiques du mois et des vidéos courtes que vous avez peut-être loupées !

Au menu de la newsletter d’aujourd’hui :

Nouvelle vidéo : Pourquoi planter des arbres qui nous font suffoquer ? 🤧


ARTICLE BONUS : La météo du pollen prend un tournant en 2025 en France ! 

29 ans. Le Réseau National de Surveillance Aérobiologique (RNSA - site web désormais inaccessible) nous a fourni les prédictions polliniques en France depuis 1996

Suite à un rapport d’inspection administratif dans lequel le RNSA est qualifié “d’insuffisamment structuré”, ayant une “gestion opaque”, et qui n’a “pas respecté l’utilisation prévue des financements publics”, le RNSA s’est vu refusé sa subvention publique annuelle de 600 000 euros [Ouest France, Le Figaro]. L’association a alors été placée en liquidation judiciaire en mars 2025.

Aujourd’hui, en avril 2025, le RNSA ne publie plus de bulletin polliniques, faute de budget, et la responsabilité a été transmise à une autre association depuis le 2 avril 2025 : Atmo France

Cette dernière existe depuis 25 ans et est déjà spécialisée dans la surveillance de la qualité de l’air. C’est donc en toute logique qu’elle ajoute une corde à son arc : le pollen dans l’air ! (wikipedia)

Alors qu’en est-il des prédictions de pollen dans l’air aujourd’hui ? Sont-elles les mêmes qu’en mars 2025 ? Quelles sont les différences ? Comment est-ce calculé ? Comment cela évoluera t-il au fil du temps ? Quelles espèces sont prises en compte ? 

Comment calculer les indices de pollen ?

Dans ma vidéo sur le pollen, vous avez pu voir que les cartes de prédictions de pollen sont générées grâce à des données issues d’environ 80 capteurs de pollen éparpillés partout en France métropolitaine qui alimentent un modèle numérique de prédiction de pollen (Figure 1).

Figure 1 : Carte des capteurs de pollen du RNSA. Chaque point noir est un capteur et plus la zone est rouge, plus elle est dense en population. Plus la zone est bleue, moins elle est dense. La qualité de l’image laisse à désirer, elle est récupérée depuis les annexes du rapport de l’ANSES de 2014 et c’est la seule résolution disponible.

Jusqu’à mars 2025, les cartes de prévision de pollen étaient le résultat d’une équation que j’ai pu trouver dans ce rapport de l’ANSES (p15). Voici comment le Risque d’Allergie lié à l’Exposition au Pollen (RAEP) était calculé : 

Figure 2 : extrait du rapport de l’ANSES sur le calcul du Risque d’Allergie lié à l’Exposition au Pollen (RAEP)

Le RAEP devrait alors donner un résultat de “0 (risque nul) à 5 (risque très élevé) ; un RAEP égal ou supérieur à 3 est considéré comme cliniquement pertinent par le RNSA, c’est-à dire que les personnes allergiques ont de fortes chances de présenter des symptômes”.

Comment sont mesurées les données cliniques, que représentent-elles ? Quelles sont les données phénologiques utilisées… ? Ou même le risque d’allergie théorique ? Je n’ai pas accès à ces réponses alors mettons le passé de côté et intéressons-nous au présent et à l’avenir.

Atmo France a-t-elle repris le même calcul ? Comment utilise t-elle les données des capteurs ? 

Dans les articles de presse, on peut lire que Atmo utilise l’intelligence artificielle pour son modèle numérique. Comme l’intelligence artificielle est partout aujourd’hui au point où on ne sait plus ce que cela veut dire, j’ai demandé plus d’informations à Mme Charlotte Lepitre, responsable projet et plaidoyer de Atmo France. 

On ne calcule pas du tout de la même manière que Le RNSA. Il n'y a pas de remontée clinique dans l'indice pollen de Atmo France. 

Il est constitué donc d'informations de concentrations de pollen, de mesures [de capteurs de pollen], complétées par des mesures qui ont été faites par un réseau européen [ndlr: copernicus].

Et ensuite on travaille avec un modèle statistique de prévision pour venir compléter le modèle avec d'autres variables telles que des variables de météo.

On voulait une approche en apprentissage automatique de machine learning [...]

Donc on l'alimente en données météorologiques, en données pollen, et il va apprendre de lui-même. Il va continuer à s'améliorer au fur et à mesure où il a de plus en plus d'informations qui lui sont transmises. Donc l'IA dont on parle, en fait, c'est un modèle statistique de type forêt aléatoire qui est en apprentissage depuis 2018.

Pour plus de détails, je vous invite à aller voir le site de Atmo France et particulièrement la section “pour aller plus loin” de cette page qui détaille un peu plus le modèle numérique.

Le modèle actuel de Atmo France est capable de donner des résultats pour 6 taxons

  • Aulne ﴾ALNUS﴿

  • Armoise ﴾ARTEMISI﴿

  • Ambroisie ﴾AMBROSIA﴿

  • Bouleau ﴾BETULA﴿

  • Graminées

  • Olivier ﴾OLEA﴿

Si vous êtes allergiques à d’autres plantes, les cartes polliniques ne pourront pas vous aider. 

Donnez-moi des capteurs !

Mais dans tout cela, il y a un couac. Le RNSA avait accès aux données d’environ 80 capteurs en France métropolitaine mais il n’était pas propriétaire de ces 80 capteurs. 

“Le RNSA était une association avec un nombre assez limité d'employés donc ils avaient fait de nombreux partenariats ou s’étaient associés avec d'autres structures pour la logistique et le maintien et la gestion des capteurs.

Donc les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air en géraient à peu près 30, dont la majorité étaient de leurs propriétés. Et puis il y avait d'autres structures : Certains hôpitaux [...] C'était le cas de Lille. On avait la mairie de Paris qui gérait par exemple un capteur aussi à Paris, on avait des associations qui géraient également certains capteurs [...]

Mais le RNSA recevait de la part de tous ces acteurs l'intégralité des données des capteurs.”

Aujourd’hui, tous les capteurs dont le RNSA avait la propriété sont en vente. On parle de 40 capteurs.  

“Donc qui va pouvoir racheter ces capteurs ? C'est une question qui sera débattue et on aura à la fin du mois d'avril. Nous on a la propriété d’un certain nombre de capteurs mais ce n’est peut être potentiellement pas suffisant pour couvrir tout le territoire, donc il faudrait davantage de capteurs.

Surtout que la mesure est indispensable aujourd'hui pour fournir une information qui soit fiable et qui notamment serve aux professionnels de santé et aux allergiques. [...] 

Tout va dépendre de si on sera en capacité de récupérer les 40 capteurs du RNSA.”

Vous l’aurez compris, nous sommes donc à une période charnière en France où le transfert de propriété des capteurs est un enjeu pour avoir la meilleure prédiction pollinique qui soit. Beaucoup de questions restent en suspens ! Atmo aura-t-elle assez de capteurs pour faire ses prédictions ? Pourra t-on détecter d’autres taxons /plantes ? Comment les données cliniques peuvent-elles être incluses à l’avenir ? Faut-il seulement inclure des données cliniques dans les modèles ? À quel point les prédictions polliniques permettent-elles aux personnes allergiques de se prémunir de leurs allergies ? 

Un sujet qui promet de continuer d’alimenter les conversations… chaque année !


Les actus scientifiques du mois !

Sa voix est synthétique... mais les mots sont à elle

Tous les mois, avec Thomas Milan, nous décortiquons l’actualité scientifique pour vous ! En tant qu’ancien chercheurs, nous vous expliquons l’état réel de la recherche et à quel point on peut se permettre de s’émerveiller et de rêver.

Dans cette édition, nous parlons

  • d’analyse de cerveau et d’intelligence artificielle pour redonner la voix à une personne muette depuis 18 ans,

  • d’un arbre haut de 20 étages qui attire la foudre pour électrocuter ses parasites

  • et d’un véritable sharktopus, un couple inattendu entre une proie et un de ses prédateur !

Nous avons une ligne éditoriale claire : de la recherche sérieuse présentée pour que vous passiez une bonne journée par la suite. Nous ne traitons alors pas des sujets anxiogènes, nombreux-ses sont ceux et celles qui le font, nous nous concentrons sur le reste qui manque de mise en lumière !


Rattrapez les formats courts que vous avez peut être manqués

ça se passe ici !


Bonne journée et à la prochaine !

Viviane Lalande, PhD

www.scilabus.com


Note

Pour celles et ceux qui étaient déjà abonné-es à la newsletter avant celle-ci, vous aurez remarqué que le design est différent et le contenu est plus étoffé ! J’ai changé de fournisseur de newsletter. J’étais sur Mailchimp et je suis passée à Kessel.

Mon ambition première avec cette newsletter est toujours de vous informer de la sortie des vidéos sans être “victime” de l’algorithme YouTube. Nous sommes dans une période difficile pour Scilabus où les abonnés ne voient plus les vidéos publiées. Je redouble alors d’efforts pour vous faire savoir que de nouvelles vidéos sont disponibles et qu’elles sont aussi cool qu’avant ;). Cette newsletter fait partie de ces efforts.

Si cela ne vous convient pas et que vous souhaitez vous désabonner, je comprends tout à fait, vous avez un lien ci-dessous et au plaisir de vous croiser ailleurs sur internet !

❤️ Science et recherche ❤️

Par Viviane Lalande

À propos de l’auteur de Scilabus

Viviane Lalande, PhD, est communicatrice scientifique, formatrice, chroniqueuse, et créatrice de Scilabus.

Viviane a obtenu un diplôme d’ingénieure en génie mécanique de l’Université de Technologie de Belfort Montbéliard en France, une maîtrise recherche (système Québécois) en génie biomédical ainsi qu’un doctorat en génie mécanique spécialisé en biomécanique de Polytechnique Montréal au Canada.

Depuis 2010, Viviane se passionne pour la communication scientifique et notamment sur les sujets d’apparence inintéressants afin de les rendre passionnants !

D’abord sous la forme d’un blog, Viviane s’est tournée vers la création de vidéos scientifiques en 2013 et a fondé la chaîne “Scilabus” qui rassemble plus de 510 000 abonnés (donnée de juin 2023).

En conjonction avec cette activité de vidéaste, en septembre 2018, Viviane a publié un livre destiné à un public adulte et curieux intitulé “le monde a des racines carrées” aux éditions de l’Homme et qui a été coup de cœur de Renaud Bray (équivalent québécois de la Fnac). Elle a également été chroniqueuse à Radio Canada pour l’émission “Moteur de recherche” de 2018 à 2021, scientifique sur le plateau TV de Génial (TéléQuébec) pendant 8 ans.

En 2021, elle a été la lauréate du prix Jean Perrin de vulgarisation scientifique décerné par la société française de physique, ainsi que du prix d’excellence de l’UTBM en 2022.

En dehors de ces activités de création de communication scientifique, Viviane forme également ceux ou celles qui souhaitent devenir de meilleur·e·s communicateur·rices par l’intermédiaire de formations, de consultations privées, d’un cours à Polytechnique Montréal (CAP7130) ou encore par le biais de la chaîne YouTube SciPlus qui rassemblent de nombreux conseils liés à la création de vidéos de science pour Internet.


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